Dans son article sur le Syndrome de la Parole Bégayée, Mark Irwin, ancien président de l’International Stuttering Association, nous propose les visions de plusieurs théoriciens sur cette appellation de bégaiement intériorisé : Pour David Shapiro, il s’agit des sentiments et pensées intériorisées tandis que pour Moore et Rigo, cette notion renvoie aux symptômes cachés du bégaiement. Les pays du Commonwealth, quant à eux, considèrent que le terme de bégaiement intériorisé s’applique aux « personnes bègues avec un bégaiement masqué, aussi appelées cachées ou honteuses ».
Face à ces visions différentes, Mark Irwin a pu proposer une définition plus précise qui permettrait de différencier bégaiement masqué et bégaiement intériorisé.
Il définit le Syndrome de la Parole Bégayée (S.P.B.) où le bégaiement est intériorisé. Il s’agit donc d’un bégaiement avec non seulement des évitements au niveau de la parole mais également des évitements au niveau des situations. Il s’intéresse ici aux répercussions que peut avoir le bégaiement sur toute la vie sociale du patient : le choix des études ou encore ses relations avec ses pairs par exemple.
Afin de mettre en avant un lien entre le bégaiement et ses répercussions sur la vie quotidienne, Irwin s’appuie sur la notion d’anxiété sociale qui « est un handicap en soi qui peut soit être spécifique à certaines situations sociales ou se généraliser à la plupart. La grande majorité des sujets qui souffrent de TAS (Trouble d’Anxiété Sociale) disent combien leur carrière, leurs études et leur vie en général ont été gravement perturbées par leurs peurs ».
Cette notion d’anxiété sociale renvoie à celle de phobie sociale, définie par le DSM IV comme « un trouble de l’anxiété caractérisé par une crainte (appréhension, inconfort émotionnel ou inquiétude) persistante et intense causant un détresse considérable et une capacité diminuée de quelques fonctions dans la vie quotidienne ».
Pour Christophe André et Patrick Légeron, dans leur ouvrage » La peur des autres : trac, timidité et phobie sociale », le phobique social a « une peur persistante d’une ou plusieurs situations dans lesquelles il est exposé à l’éventuelle observation attentive d’autrui et craint d’agir de façon humiliante ou embarrassante. Il évite donc ces situations ou éprouve une anxiété intense à leur approche. Cette tendance à l’évitement interfère avec la vie professionnelle ou les relations sociales habituelles. La personne reconnaît la nature excessive ou irrationnelle de ses craintes »
Le Syndrome de la Parole Bégayée se définit alors comme un bégaiement avec un Trouble d’Anxiété Sociale (T.A.S.).
Pour Irwin, le terme de bégaiement « masqué » se définit par l’acte volontaire de masquage, de la part d’un locuteur. Cela signifie qu’après avoir terminé sa phrase, la personne est en mesure d’expliquer ce qu’elle n’a pas voulu dire, les mots qu’elle n’a pas employés. Elle est donc consciente de ce qu’elle masque. Dans le cas du bégaiement intériorisé, il ne s’agit plus seulement de mots mais aussi de situations sociales.
Pour autant, j’ai fait le choix de donner à ce site le nom de bégaiement masqué. En effet, ces termes sont encore aujourd’hui les plus couramment utilisés pour nommer ce type de bégaiement.
Mark Irwin imagine, dans son article, le témoignage de trois hommes, pour illustrer trois types de bégaiement :
- TOM : « Je bbbégaie. Quand je vvvvais prendre un verre, cela me p prend plus de tttemps pour commander une bbière. »
- DICK : « Je bbbégaie. Je commande un scotch parce que je ne peux pas dire bbbière. »
- HARRY : « Je bbbégaie. C’est gênant, frustrant.. Aussi je sors rarement. J’évite les contacts. »
Dans le premier cas, il s’agit d’un bégaiement audible. Dans le second cas, nous sommes en présence de procédures de masquage du bégaiement. Il sera important pour le patient de surmonter la gêne ressentie pour éviter toute psychopathologie telle que la phobie sociale. Dans le dernier cas, l’orthophoniste peut porter le diagnostic du syndrôme de la parole bégayée. Il sera indispensable de s’occuper des bégayages mais également du trouble d’anxiété sociale.
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