Témoignages

Issus de mon mémoire, voici quelques témoignages anonymes, à propos du bégaiement intériorisé :

A propos du bégaiement

«  En fait c’était un bégaiement assez fort, bloquant surtout. Alors je renonçais parce que c’était difficile en fait, trop, trop difficile de parler. A l’école, on ne m’entendait jamais bégayer parce que je ne parlais pas, donc voilà c’est passé un peu sous silence. A la maison, c’était quand même très net mais … voilà on ne s’en est jamais occupé.  »

«  Avant même de parler de bégaiement, je parlais surtout d’un problème d’élocution, puisque j’avais un débit de parole beaucoup trop rapide. Donc j’étais très souvent reprise par mon entourage, par mes proches. Le mot « quoi ? » revenait tout le temps, ça m’insupportait. C’était complètement atroce, j’en avais marre. je savais que j’avais un problème avec ma parole mais je n’arrivais pas à savoir quoi.  »

«  J’ai un débit peut-être plus lent, je pense que je réfléchis plus à ce que je dis. Je ne parle pas à la volée, j’ai peut-être moins de répartie que certains et parfois je bloque. J’oublies des mots, je perds des mots.  »

«  J’étais anxieux. M’exprimer en public était compliqué pour moi.  »

«  Du fait que je ne parlais pas, je m’exprimais très peu.  »

 

A propos des stratégies de masquage ou d’évitements

 » Ça s’est fait petit à petit. Ça se fourre en fait dans le comportement. Je ne parlais pas beaucoup, j’étais assez timide à l’école. Donc je ne me suis pas dit « je vais commencer à le masquer ». Non, on jongle en fait avec son bégaiement, on fait ce qu’on peut en général! Soit on arrive à l’accepter et on parle quand même, soit on se tait parce que c’est trop fort. On ne peut pas parler donc voilà, ça s’arrête là.  »

«  C’est vrai que, très longtemps, j’ai changé des mots par d’autres. Et j’ai toujours eu de l’appréhension avant de prendre la parole. J’ai toujours eu de la crainte. Il fallait vraiment que que je sois très vigilante sur ce que je pouvais dire, comment j’allais le dire. Je me disais que ma parole pouvait s’accélérer beaucoup trop et que je sois incomprise. Et ça c’était ma hantise.  »

«  Je me reconnais dans certaines choses, préparer ses phrases, répéter les situations avant par exemple les rendez-vous, les choses comme ça. Rien que demander quelque chose au tabac, je me le répète déjà plusieurs fois dans ma tête.  je rougis facilement quand je sens que ce que je veux dire ne sort pas, j’ai les effets de sudation. Constamment, s’il y a un mot qui s’échappe, je vais essayer d’en trouver un autre ou de faire une phrase autrement, de me relâcher aussi, d’avoir peut – être un ton plus monocorde, de me calmer.  »

 

A propos de l’adolescence, les relations avec les autres

«  j’étais quand même assez timide (…) Je n’arrivais pas à rentrer en contact directement avec les gens  »

«  Quand j’en parlais à mes amis, il y a encore quelques années, où c’était omniprésent dans ma vie, c’était plus de l’incompréhension parce qu’elles ne comprenaient pas de quoi je parlais. C’était le malade imaginaire qui pense avoir un problème qui ne se voit pas.  »

«  Je suis quelqu’un de plutôt réservé, enfin c’est comme ça qu’on me décrit.  »

«  Le bégaiement a déclenché un repli sur soi. Par exemple, pourquoi ne pas s’effacer pour ne pas risquer, donc ne pas parler. Je dirai que j’étais plutôt solitaire.  »

«  Au collège, c’était uniquement des copains de classe. Je n’avais pas, en dehors, de contact. J’étais assez isolé. J’avais forcément peur de me retrouver en situation d’aller chez des gens que je ne connaissais pas. Je bégayais quand même beaucoup, même avec mes copains, mes parents, etc… Donc là, pour le coup, j’avais très peu de zones de confort.Je me sentais mieux seul.  »

«  Je préférais ne pas demander et puis voilà, je n’allais pas voir de copains.  »

 

A propos de l’orientation scolaire

«  Je me suis toujours laissé couler en fait, on m’a mis sur une voie et j’ai fait la voie classique. Je me dis « bah voilà, je n’ai pas à choisir, c’est comme ça ». J’ai tendance à peut-être éviter les débats. Oui je suis plutôt dans le consensus. Je n’aime pas, j’évite souvent le conflit.  »

«  En fait, c’est simple, je me suis réveillé à 19 ans en me rendant compte que j’étais en train de suivre la même voie que ma sœur (…) parce que j’étais le deuxième et voilà (…) fallait que je fasse comme ma sœur.  »

 

A propos des moqueries 

«  Ca me choquait tellement que à l’école je préférais être punie que montrer ce visage là. Parce que le bégaiement, quand il est fort,les gens font une grimace quand même.  »

 

A propos de la communication actuelle

«  De temps en temps, je me dis « j’aurai pu dire ça ou dire ça ». Des fois, j’ai envie de dire des choses et je ne les dis pas parce que la parole circule et ce que je ne peux pas faire, c’est prendre la parole. J’attends qu’on me propose et si je peux m’insérer facilement, je m’insère. Mais je n’arriverai pas à dire, comme je vois certaines personnes qui arrivent vite à attraper la parole dans une conversation comme ça, à bâtons rompus.  »

«  Je dirai qu’elle est bonne quand même. Enfin en surface. Les gens ne voient rien, ils n’entendent rien, ou très peu. C’est vraiment en dents de scie, ça c’est vraiment LA caractéristique. Il y a vraiment des périodes en fait où je vais très bien me sentir et ma parole va être géniale et je n’y penserai même plus. Et d’autres moments où ça va complètement m’obséder et je ne penserai plus qu’à ça. (…) Il y a des personnes, peut-être des personnes qui m’intimident un petit peu, où je vais vouloir parler et je ne vais pas parler enfin je ne vais pas oser.  »

«  C’est un effort oui, c’est un effort. J’ai souvent des réunions. Quand il faut expliquer les choses posément et qu’en face il n’y a pas forcément l’écoute, c’est un effort oui. Je sors de là, je suis un petit peu fatigué. Au niveau familial, relationnel, peut – être que je ne dis pas assez, j’ai tendance à ne pas développer.  »

«  Je me rends compte qu’il y a pas mal de choses que je n’arrive pas à faire (…) je me rends compte et j’essaye de rétablir petit à petit la situation.  »